Je rejoins Le Touquet Paris Plage le 19 juin pour y passer quelques jours tranquilles avant le grand départ le 22 juin. J'envisage quelques sorties à vélo pour explorer les environs, mais surtout du repos pour accumuler un peu de capital sommeil avant la longue période de privation. Je suis rejoint par Gregory, un compatriote suisse de Neuchâtel qui participe également à la course, sa première grande ultra. Pour moi, c'est également la première course aussi longue. Au-delà de la distance, c'est surtout le dénivelé qui me fait peur. Vous le savez, je ne suis pas un grimpeur, je suis même probablement le coureur le plus lourd à prendre le départ. Un joli test pour un cycliste XL !
Nous récupérons nos dossards le 21 juin et procédons aux derniers préparatifs. Ce sera l'occasion de finaliser la préparation de mes drop bags et de questionner mes choix de matériel pour la énième fois. Le lendemain matin, il est enfin trop tard pour tout changer, mes sacs sont faits, mon vélo est prêt et il ne reste plus qu'à patienter jusqu'à 17h53, heure de mon départ. Attendre son départ toute la journée, c'est long. Finalement, la course commence et les premiers partent dès 17h00, un départ a lieu toutes les 30 secondes, ceci pour éviter la formation de groupes et les bénéfices d'aspiration qui vont avec. Après que les 105 premiers coureurs se soient élancés, c'est mon tour, et c'est donc à 17h53 que je prends le départ de ce qui va vite devenir la semaine la plus dure de ma vie.
Je commence comme d'habitude plein d'euphorie, peut-être un peu trop, car après seulement 1 à 2 km, je me perds et fais un détour de 10 minutes au Touquet. Je retrouve la trace et croise des dossards ayant commencé bien 10 minutes après moi. Rien de grave, mais frustrant. Je me fais notamment dépasser par Victor Bouscavet, futur vainqueur de la course, qui est parti avec un rythme effréné, c'était impressionnant. Je me mets dans mon rythme et roule vite, il faut que je capitalise sur la première partie du parcours qui est la seule section relativement plate de toute la course. Je roule entre 30 et 35 km/h et rattrape de nombreux participants dans les premières heures.
Passage à Calais
J'arrive au CP1 à Lille après 7h20 de course et 230 km parcourus. Le plat étant à mon avantage, je suis à ce moment classé parmi les 5 à 10 premiers. Jusque-là, je me sens bien. Je me ravitaille rapidement à la base de vie et repars après 10 minutes pour attaquer le reste de la nuit. Je maintiens mon rythme au long de la nuit lors de laquelle je rencontre Daniel, un Allemand qui terminera finalement 4ème de la course. Nous roulons plus ou moins 200 km ensemble, toujours à bon rythme, jusqu'à ce que je commence à fatiguer et me sentir moins bien vers 14h le vendredi.
Je perds Daniel que je ne reverrai pas avant l'arrivée, mais je rattrape peu après Loïc Lecoultre qui participe à la RAF pour la 4ème fois sans l'avoir jamais terminée. Loïc, bien que plus âgé, est un peu comme moi : un poids lourd de plus de 90 kg qui s'attaque à ce challenge assez fou qu'est la RAF. Nous échangeons un moment, puis je prends de l'avance. Je suis vite rattrapé par ma fatigue et décide de m'arrêter au Burger King à Metz après 620 km parcourus en 32h46, à ce moment, je suis 7ème au classement. Loïc me rattrape alors que je déguste mon double menu et nous décidons de continuer ensemble jusqu'aux Vosges, premier massif de la course. Nous roulons jusqu'à Lourquin où nous arrivons vendredi vers 23h et décidons de prendre un hôtel afin de recharger nos batteries et partir dans les Vosges le plus frais possible. À ce moment, j'ai couvert 730 km en un peu plus de 29h.
Après 3h30 de sommeil, nous reprenons le départ ensemble pour attaquer les Vosges. Heureusement que nous étions ensemble d'ailleurs, car j'ai manqué mon réveil… Sans Loïc pour me réveiller, ça aurait été la cata… Ce matin-là, je ne suis vraiment pas en forme et avance très lentement toute la matinée, je me sens vide. Le passage des Vosges est celui qui me faisait le plus peur, 240 km et 7000 m de dénivelé positif, le premier vrai test de la course. C'était bien d'être avec un compagnon poids lourds comme Loïc avec qui on pouvait avancer lentement mais sûrement. La région est magnifique, parsemée de sublimes forêts et villages bucoliques d'Alsace.
L'après-midi, je rencontre mes premiers problèmes en crevant une première fois à l'arrière. Roulant en Tubeless, j'essaie de réparer la crevaison, mais rien à faire, je mets donc une chambre à air et tout va bien, je peux continuer. Loïc avait alors pris de l'avance et je m'étais déjà fait dépasser par plusieurs autres coureurs. 60 km plus tard, je crève à nouveau, le même pneu… Ennuyé, je démonte le tout, trouve le trou et mets une rustine. Je fais le tout trop vite et ne prends pas le temps de bien contrôler le pneu car je crève à nouveau 5 d'inuites plus tard : il devait rester un éclat dans le pneu. Je me rends compte que je n'ai plus de rustines et que je n'ai qu'une chambre à air restante, mais que celle-ci est trop petite pour mon pneu arrière (pneu de 30 mm, chambre pour max 28 mm). Je regrette mes choix et me retrouve bien embêté. Je suis contraint de rouler avec une chambre à air trop petite et aucune solution de secours en cas de nouvelle crevaison. C'est le stress. Ma course pourrait s'arrêter là. J'ai 40 km à parcourir jusqu'à Munster où il y a un magasin de vélo. 40 km de stress, conscient des conséquences qu'aurait une crevaison. J'arrive finalement à Munster sain et sauf et me précipite vers le premier magasin de vélo que je trouve. Mais évidemment, ils n'ont pas de chambres à air compatibles avec mes roues profilées. Je décide donc d'acheter un pneu arrière plus fin (28 mm) qui est compatible avec ma chambre arrière. Une situation loin d'être idéale, mais une situation déjà légèrement meilleure. Je dois encore parcourir 80 km sans crever jusqu'à Mulhouse. Un stress ajouté dont je me serais passé. Après avoir perdu un total d'un peu plus de 2h au total avec ces mésaventures, je repars de Munster pour enchaîner le Petit Ballon et Platzerwasel, deux cols super difficiles pour clore le chapitre des Vosges. Je retrouve ma forme et je roule bien, j'enchaîne les deux ascensions sans trop de problèmes et redescends vers Mulhouse avec un magnifique coucher de soleil.
J'arrive finalement seul au CP2 à Kingersheim le samedi vers 23h. À ce moment, j'ai parcouru 1000 km en 52h37 et je suis 20ème. J'ai donc perdu beaucoup de temps lors de cette traversée des Vosges, mais je suis toujours là et je me sens bien. Je me douche et mange un plat chaud à la base de vie où je passe près de 2h sans dormir. Me sentant bien et pas fatigué, je décide de repartir afin de rattraper le retard accumulé dans la journée. Je repars vers 1h du matin en 12ème place pour prendre la route du Jura.
Plus tard la nuit, rattrapé par la fatigue, je décide de dormir 1h dans un abribus avant de repartir. J'avance bien et en s'approchant du Jura je rattrape Rudy et Sébastien avec qui nous dévalisons la boulangerie de Saint-Hyppolyte vers 6h30 du matin. On s'entend tout de suite dès bien et on roule une bonne partie de la journée ensemble. Ce jour là il fait extrêmement chaud et les possibilités de ravitaillement sont rares. Peu avant midi, j'ai la bonne surprise de croiser Balthazar et Paul qui ont décidé de venir partager un bout de route avec moi.